Depuis des millénaires, les arts ont permis à l’humanité de s’exprimer, de laisser une trace et d’explorer la psyché. Dès la Préhistoire, les peintures pariétales ne représentaient pas seulement des récits de chasse, mais aussi des projections et des souhaits. Ces œuvres, créées par des initiés – hommes et femmes – servaient à communiquer des idées complexes et à transmettre une mémoire collective.
Patrick Paillet, maître de conférences au Muséum d’Histoire Naturelle, explique :
« L’art des grottes signifie, il signifie même de manière multiple, mais il se dérobe à l’interprétation. Dans les grottes, l’art est probablement dicté par un besoin impérieux de communiquer : avec son groupe, avec d’autres hommes, pour transmettre sa propre vision du monde et perpétuer une mémoire au service du mythe ou d’une autre histoire. L’art des grottes n’est pas plus décoratif qu’il n’est une reproduction du réel. Il transmet des messages symboliques, intelligibles pour la société qui les conçoit. »
Dans l’Égypte antique, les prêtres utilisaient chants et incantations pour induire des états modifiés de conscience et faciliter la guérison. De nombreuses formules magiques contre la morsure de serpent, comme celles inscrites sur le sarcophage du roi Ounas à Saqqarah, en sont des exemples frappants.
Selon l’égyptologue Gaston Maspéro :
« Les formules VII et VIII sont intraduisibles dans leur concision. Ce sont des strophes allitérées qui agissent surtout par le choc des sons… Toutes ces formules paraissent cadencées et destinées à être chantées. Ce n’étaient peut-être, à l’origine, que des chants de charmeurs de serpents. »
Dans le monde gallo-romain, les pouvoirs curatifs des arts étaient bien connus. Platon mentionne dans Le Théétète que les sages-femmes apaisaient les douleurs par leurs mélopées. Il affirme également que les recettes médicinales perdaient leur efficacité sans le chant.
Chez les Grecs, Homère relate dans L’Odyssée que les fils d’Autolycos arrêtèrent l’hémorragie d’Ulysse grâce à un chant magique.
En Chine ancienne, la médecine traditionnelle associait les vibrations sonores à la guérison. Le Qigong et l’acupuncture s’appuyaient sur des fréquences spécifiques pour rétablir l’équilibre énergétique du corps. Le guqin, une cithare à sept cordes, favorisait la relaxation, soulageait le stress et améliorait la méditation.
L’usage du chant à des fins thérapeutiques se poursuit au Moyen Âge. Dans La Vie de Saint Bernard, Guillaume de Saint-Thierry raconte qu’une femme guérit Bernard, enfant, d’un violent mal de tête grâce à un chant magique.
Au XIXe siècle, le neurologue Jean-Martin Charcot étudie les œuvres picturales de patients atteints de troubles mentaux. Il s’intéresse particulièrement aux représentations historiques de « démoniaques », démontrant que l’hystérie n’était pas une maladie propre au XIXe siècle, mais une condition traversant les âges.
Jean-Pierre Klein décrit Charcot comme :
« L’ancêtre du décryptage des œuvres artistiques à travers une grille psychiatrique. »
Au XXe siècle, Carl Gustav Jung utilisa l’art, notamment les mandalas, comme outil d’exploration de l’inconscient. Son Livre Rouge combine des pages calligraphiées et des illustrations pour documenter ses recherches sur les rêves, les symboles et les connexions entre l’individu et le monde.
L’art-thérapie s’est structurée comme une discipline paramédicale grâce à Adrian Hill, un peintre anglais, qui attribua sa guérison de la tuberculose à la pratique de l’art dans les années 1940. Ses travaux inspirèrent des médecins et posèrent les bases de la discipline.
En France, l’art-thérapie est officiellement reconnue depuis les années 1980. Elle se divise en deux courants principaux :
Des peintures rupestres aux séances d’art-thérapie contemporaines, l’art a toujours été une forme de communication et de soin. En tant que discipline, il continue d’évoluer, répondant aux besoins d’expression et de guérison des individus dans un monde en perpétuel changement.